Écrire ces lignes sera douloureux : parce que ce n’est plus un rituel depuis longtemps, mais aussi parce que l’exercice de retranscrire l’énergie présente ce soir de Novembre à l’Ampérage s’avère complexe. Le cas est simple : une véritable fenêtre de respiration s’est présentée entre deux mesures Covid, le genre d’opportunités que l’on a appris à saisir sans broncher lorsqu’elles se présentent ces deux dernières années. Churros Bâtiment et As A New Revolt, fers de lance du Noise à Grenoble, n’ont pas hésité ce soir-là à remuer le couteau dans la plaie de nos ex libertés pour nous rappeler que la scène locale respire encore… et que ce plaisir dure encore, malgré tout.
Je sais. On est dans la mi-janvier bien tassée, et je ne prends le temps que maintenant de revenir sur une soirée qui a eu lieu le jeudi 25 Novembre dans notre belle et tendre Ampérage. Après tout, les occasions de la sorte deviennent si rares que je pense que l’on peut s’octroyer le plaisir de faire traîner des souvenirs avant de les fixer noir sur blanc. Pas facile de décrire cette distorsion du temps que l’on connaît tous aujourd’hui, et surtout, les amateurs de musiques live – mais j’assume le fait de m’extraire de cette notion d’urgence et d’actualités.
Cela va sans dire que ce soir-là, la première épreuve fût de commander quelque chose au bar de la salle comme si la vie n’avait pas changée. D’aller siroter son verre dehors avant d’entendre les premières notes faire trembler ces lourdes portes rouges qui nous séparent de la salle. Et de ne pas savoir quand j’aurais le plaisir à nouveau de jeter ma clope pour m’engouffrer dans la fosse en même temps que tous ces oiseaux de nuit avides de musique et de sueur. Mais ces plaisirs douloureux n’étaient rien face aux sourires complices des acolytes de Churros Bâtiment qui nous ont exposé tranquillement, comme ils savent si bien le faire, leurs paroles tantôt profondes tantôt absurdes sur leurs guitares lancinantes.
L’occasion de déguster »Sale quart d’heure », ces quatre nouveaux titres nés en 2021, mais aussi de savourer à nouveau les grands classiques de ce cold-grunge sauce grenobloise qui nous avait manqué.
Si Pierre et David ont su réchauffer les cœurs et faire apparaître les premières gouttes de sueur grâce à leur poésie particulière, As A New Revolt est venu (comme d’habitude) électrisé la salle avec son punk nerveux et maîtrisé. Ces lumières qui rendent à moitié épileptique, la silhouette insaisissable du chanteur dont la danse est en accord avec la fébrilité du son, l’énergie du hip-hop se cognant à la violence des machines, tout ça, cette recette que l’on connaît si bien, qui fonctionne à chaque fois, et qui se peaufine avec le temps, ne nous avait pas moins manqué.
Mais ne soyons pas trop plaintifs. Cette parenthèse, cette fenêtre de respiration, avait déjà la vertu d’exister. Si les corps n’ont d’autre vocation que de se cogner au rythme du son, cette soirée le rappelle immanquablement : entre les nuits qui reviennent, aussi longues et aussi froides soient-elles, le jour finira par se lever à nouveau complètement sur notre scène locale et les planchers qu’elle foule, et notre énergie sera toujours au rendez-vous.
* La soirée en vidéo :
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