L’AmpéRage, salle de spectacle associative accueillant principalement des concerts et soirées DJ’s, se positionne comme l’un des QG incontournables de notre scène locale grenobloise. Rencontre avec Alexandrine Rivolta, en charge de la programmation et de la communication de la salle, pour en savoir -beaucoup- plus sur la philosophie du lieu et son fonctionnement.

 

En 2008, l’association Le Stud reprend le projet associatif de l’ADEAP (Associations pour le Développement des Arts et des Expressions Populaires) et par la suite la gestion de la salle de l’Ampérage.

« L’ADEAP était un haut lieu culturel et de soirées grenobloises », nous précise Alex, qui ajoute également que le projet était déjà très ancré sur l’Éducation populaire. Il laisse ensuite une place à Mus’Act, décrit comme un « rassemblement de jeunes actifs sur les musiques actuelles qui voulait un lieu pour organiser des soirées ». L’ADAEP a cependant dû déposer le bilan en 2008.

La suite, vous la connaissez : dix ans cette année que l’Ampérage règne sur les nuits grenobloises grâce à l’association « Le Stud ». Les chiffres attestent : rien qu’en 2017, 128 spectacles ont été produits, dont 48 concerts et 44 soirées DJ, le reste se partageant entre les scènes jeunesse, théâtre et danse, avec près de 25 000  spectateurs.

24% des producteurs de concerts sont locaux. Véritable plaque tournante de la scène locale grenobloise, l’Ampérage occupe une place bien particulière dans notre paysage culturel…

 

Quelle est la philosophie de l’Ampérage ?

[Alex] C’est écrit dans la salle même : « Les droits culturels font parti intégrantes des droits de l’Homme ». Dans le sens où, pour nous, la culture et la société civile prévalent. C’est un espace où chacun va créer sa propre identité, va se confronter aux autres, va créer du libre-arbitre, et va pouvoir trouver les codes qui lui correspondent et trouver des codes d’expression. Nous sommes des « facilitateurs d’expression culturelle ».

 

 

Ensuite, il y a quand même une partie qu’on ne met pas tout le temps dans notre projet, parce que nous sommes souvent sur des choses assez écrites, assez construites, pour aller chercher de la sub’ [subventions publiques, ndlr], mais ce qui nous anime c’est quand même la fête et la joie. Ce sont des dimensions pas toujours très « bankables » en tant que telles, mais qui sont aussi primordiales. On reste un espace de liberté.

Il y a donc les droits culturels que l’on défend d’un coté, mais aussi vendre du rêve. J’aime bien dire qu’à l’Ampérage, notre devise, c’est aussi « On vend du rêve ». C’est une réalité, il faut conserver ces espaces d’expression, de lâcher-prise, vraiment, c’est important.

 

Quel est le défi principal de l’Ampérage ?

L’ouverture, et la mise à disposition d’un outil, pour tous les ingénieurs de soirées possibles et inimaginables… Et surtout, ne pas être tenté de le récupérer pour soi, et de le laisser à disposition de la communauté. Des propositions de soirées on en a 10 000, des demandes de booking à la pelle, je dois recevoir 60 mails par jour de plateaux en vente… Ne pas faire de programmation pure et en direct sur une saison à l’Ampérage, ce n’est pas un manque de compétences et de contacts, c’est une volonté de garder l’ouverture aux autres.

 

« Ne pas faire de programmation pure sur une saison à l’Ampérage, ce n’est pas un manque de compétences et de contact, c’est une volonté de garder l’ouverture aux autres ».

 

Si nous devions programmer en direct, on garderait les bonnes dates et les bons plans et plus aucune ouverture ne serait possible ! Notre projet c’est l’ouverture aux projets de chacun et la mise à disposition d’un équipement pro pour le mener à bien.

 

Et toi, quel est ton rôle dans tout ça ?

Je coordonne la programmation et la communication. Cela s’apparente à de la médiation culturelle, à savoir que je vais accueillir les propositions des groupes, (et les associations) les étudier, voir leur faisabilité car programmer une date à l’Ampérage, cela a un coût, même modique. L’idée c’est de faire en sorte que les dates marchent, et que chacun s’y retrouve et trouve son public.

 

Alex sur le toit de l’Ampérage, oklm

En terme de planning aussi, de programmation, je fais en sorte qu’il n’y ait pas 4 dates rock à la suite, que chacun ait droit de Cité et que cela s’harmonise. J’ai une veille aussi à mener, avec les salles grenobloises et de l’agglo qui font le même type de soirées pour faire en sorte que nos soirées marchent, en tout cas au mieux ! (…)

Une fois que je rentre les dates, on contractualise, on les accompagne, il se peut aussi que je sois amenée à accompagner des groupes à monter leur propre association pour pouvoir organiser dans nos murs et ailleurs, et contacter des labels (…) Ensuite, je coordonne la com’ : je m’occupe de la communication de ces événements : je fais le lien avec le community management, mise à jour du site internet, édition du programme papier (donc un lien avec un infographiste), un lien avec un imprimeur, etc… Mais pour moi le poste reste avant tout de la médiation culturelle.

 

Quel est le public de l’Ampérage ?

Un public hétéroclite, forcément, puisque la prog’ est très hétéroclite. Essentiellement Grenoble et sa région, mais ça fait quand même deux, trois ans qu’on commence à rameuter pas mal de monde de Lyon, Valence, Chambéry, et même de Paris. En âge, il ne faut pas se leurrer, ça reste un public assez jeune, mais c’est normal, ils ont envie de faire les fous-fous, ils sont encore vaillants et en ont encore sous le pied, donc disons que cela, avec les scènes jeunesses et DMM, de 10 à 55 ans avec un public cible de 16 à 35-40 ans, je dirais.

Après c’est tout sexes confondus, tout styles confondus, toutes origines confondues, toutes cultures confondues … Car on va du métal, de l’électro, à la transe, au théâtre et j’en passe… On a forcément un noyau dur de public curieux aussi, parce qu’on garde des coûts bas pour les associations organisatrices (accessibilité à la salle) qui se répercutent sur le prix d’entrée (=gage de diversité!)

 

Comment un groupe local s’y prend pour organiser un concert ?

Il faut prendre contact par mail, ou par téléphone. On est pas toujours joignables, mais on peut pousser la porte de l’Ampérage aussi, ce sont des choses qui se font ! Ça m’est déjà arrivé de rencontrer des groupes qui toquaient à la porte et qui m’exprimaient leur projet. Soit j’avais le temps de les rencontrer, soit je leur donnais les moyens de nous retrouver sur les réseaux.

Nous , en fait, on co-réalise avec des associations et des boîtes de productions. C’est-à-dire qu’on est pas une salle des fêtes, on ne loue pas la salle : on met en place tout un panel de services, que ce soit accueil, technique, régie générale, régie son, régie lumière, la com… On est des « facilitateurs de production ».

 

Collapse à l’Ampérage © Marion Gueydan

Les groupes nous contactent, on leur répond, on leur explique notre protocole, on voit si la date est faisable. S’ils ne sont pas en asso’, on essaie de les rediriger vers d’autres associations pour qu’ils soient en première partie ou en tête d’affiche, et si on ne peut pas les prendre, on continue de les rediriger vers des associations qui peuvent le faire.

On continue également de militer dans l’accompagnement de la scène locale, l’ouverture de lieux de pratique pour tous et les droits culturels. Que cela se fasse en mairie ou ailleurs, notre fer de lance est et restera la culture par tous et pour tous.

 

Peut-on dire que L’Ampérage est-il un lieu du tout-possible ?

Complètement ! C’est même une de nos philosophies. Je dirais même que c’est le lieu des possibles.

On peut être l’ingénieur de ses événements et pouvoir diffuser sa culture sur place, mais aussi bien d’autres choses. Il y a énormément d’émulation sur nos événements, et c’est ce qui m’a toujours plu dans ce projet, un crossover des pratiques, des rencontres.

L’interaction des différents corps de métiers et des différents créateurs dans ce lieu est importante. On va avoir de la MAO qui va rencontrer un gars qui fait du wood et qui va dire « ce sont, j’adore, est-ce qu’on pourrait pas essayer de faire un feat ? », on va avoir du live, de la jeunesse…

 

Soirée « Nuit trop chaude » à l’Ampérage

C’est toute cette émulation qui va créer des événements uniques. (…) On est un lieu de vie qui permet des interactions incroyables : même si chaque association avec sa sensibilité artistique et son style musical ne s’en rend pas compte, tout ce qu’ils arrivent à générer à l’Ampérage, ça les nourrit et ça nourrit tout le monde. Je ne vais pas dire non plus que le métalleux va faire forcément quelque chose avec le tranceux, mais la magie du lieu et l’âme du lieu fait que chacun est nourrit de cette liberté de création.

 

J’ai déjà vu des groupes qu ont fait leur sorties d’album ici et qui diffusent une énergie différente d’ailleurs, une énergie qui est pour moi la résultante de tout ce qui s’est passé les mois et années précédentes ici. Jouer à l’Ampérage, c’est jouer dans l’Ampérage, cette salle a une âme générée par toutes les strates d’énergie créative apportées par chacun, les souvenirs de soirées, la liesse !

 

 « Jouer à l’Ampérage, c’est jouer dans l’Ampérage, cette salle a une âme générée par toutes les strates d’énergie créative apportées par chacun, les souvenirs de soirées, la liesse ! »

 

L’Ampérage est-il un tremplin pour la scène locale ?

Ah mais complétement ! Pour ceux qui ont envie d’emprunter ce tremplin… On est pas l’unique tremplin, mais en tout cas on est une première marche. Et pas qu’au niveau de la diffusion musicale, on est vraiment une première marche sur l’ouverture déjà, car on accepte le tout-venant.

Cela peut d’ailleurs paraître facile, on peut se dire « Oui, l’Ampérage, leur prog’, c’est une accumulation de dates, on empile des dates et on les met les unes derrière les autres… » mais être garant de cette ouverture plurielle, et permettre à chacun d’être acteur de sa culture et de sa date ici, dans des conditions professionnelles avec des équipements à la pointe car on se rééquipe chaque année (…), c’est compliqué.

 

Le grand ménage saisonnier de l’Ampérage © Marion Gueydan

On a des grosses machines qui jouent le lendemain de groupes complètement inconnus, chaque date se porte, chaque date s’équilibre et oui, forcément, on est un tremplin pour la scène locale. En tout cas, on est une vitrine.

 

Une vitrine ?

Je pense qu’on est un tremplin parce qu’on offre un lieu de diffusion, mais on est une vitrine dans le sens où ici ils peuvent jouer tout simplement : ils ont pas besoin de faire valoir leur potentiel et prouver que leur album est juste nickel chrome. Ils peuvent faire leur live, et nous on invite du booker, du tourneur, de la Presse. Tu viens, tu fais ta date, point barre en fait.

 

Qu’est-ce que la scène locale fait comme retour de l’Ampérage ?

Que c’est la maison. Qu’on est les seuls à leur ouvrir la porte, et qu’on est rock’n’roll. Je pense qu’ils se sentent bien ici, il y a beaucoup de musiciens de la scène locale qui ont vécu des dates mythiques aussi en tant que public ici aussi : c’est un public qui se renouvelle sur scène. C’est vraiment un croisement : un jour je suis dans le public, un jour je suis sur scène. (…) Je crois que les artistes sont contents de jouer à l’Ampérage. Mais on est contents de les recevoir aussi, tout comme le public.

 

« Ce que la scène locale dit de nous ? Que c’est la maison. Qu’on est les seuls à leur ouvrir la porte. »

 

Quels sont tes meilleurs souvenirs de soirée ici ?

Toutes ! Avec quand même un gros big-up pour la soirée d’ouverture. L’inauguration de l’Ampérage. Inauguration qui s’est faite sur le parvis, avec  la nouvelle équipe de l’Ampérage (je n’en faisais pas encore partie) qui récupérait l’Adeap, après les travaux. Il y a eu expos, graff à l’intérieur et à l’extérieur, ateliers… Et prévision de faire une soirée, en intérieur, en respectant la jauge. Sauf que… 20h, quand il a fallu switcher entre les 800 personnes qui naviguaient entre la salle et l’extérieur, les 300 personnes qui pouvaient rentrer dans la salle, chacun s’est rendu compte que ça allait être compliqué… *rires* (…) Les DJ’s ne pouvaient même plus rentrer. Au final ça s’est géré, mais c’était tellement drôle de voir cette foule de « supporters ». (…) Ca escaladait le grillage… c’était pire qu’un gros concert. (…) Ca courrait de maprtout, les gens essayaient de sauter par la rocade pour entrer.

C’était assez flippant mais génial ! Les « doubles soirées / deux salles »  furent mémorables également. Je rajouterais la venue de l’excellente Lydia Lunch en 2013 à l’Ampérage !

Et moi je peux te poser une question ?

 

Oui. Dis moi ?

 

Quelle est la soirée qui t’a laissé une souvenir impérissable ici ?

 

La soirée avec Liza Monet.

 

Moi pareil. Zbeul*!

(*Zbeul = Bordel)

 

Liza Monet entourée des Drag-Queens de la soirée de clôture du festival cinéma LGBTQ+ Vues d’en Face

 


 

 

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