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NohOï, dans sa volonté de nous offrir un post-rock électronique ultra-moderne et maîtrisé, continue décidément dans sa lancée créative. Sublimée par des créations vidéos sur scène, leur musique affiche un attachement sans égal à l’image qui se mélange à leurs compositions. Nous retrouvons cet amour cinématographique dans le soin apporté au dernier clip sorti la semaine dernière, « Organ 131 » : particulièrement travaillé, il délivre une poésie froide autour de la notion du Temps. Directement issu de leur premier EP « Maelström » sorti en ce début d’année, « Organ 131 » s’est permis de collaborer avec la danseuse Barbara Loison (Mac Guffin kollectif) afin de mettre en scène avec finesse la profondeur de leur musique entêtante …
 

Une mise en scène subtile et épurée

Si une chose paraît bien certaine, c’est que NohOï ne semble pas envisager une démarche artistique sans viser une cohérence absolue avec son projet musical.

Un simple duo classique (guitare/machines & batterie), un son moderne, clair et maîtrisé ; il était presque prévisible que NohOï nous livre un clip épuré, d’une grande finesse, histoire de prouver en tout et pour tout que le plus simple peut se révéler d’une grande puissance.

Dans un décor alors épuré à son maximum, deux musiciens encapuchonnés nous délivrent ici leurs mélodies électroniques dans une sorte d’attente rythmée, avant qu’un troisième projecteur ne fasse apparaître une femme au sol. Celle-ci se lèvera et nous livrera une danse étrange …

 
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« Organ 131 » se contentera alors de livrer une mise en scène réduite à l’essentiel : un nombre limité de personnages, anonymes, voir sans visage, et un jeu de lumières clair/obscur efficace. Jouant sur la subtilité des sentiments exprimée par la danse, le clip nous plonge aisément dans une atmosphère inquiétante, avec des ralentis bien placés et des montées en puissance frénétiques. Le tout drapé de soie, pour un rendu élégant.

Ici, NohOï fait le pari de l’absence de communication verbale : la musique est instrumentale, aucune communication ne s’installe entre les personnages… Seuls les mouvements de la danseuse, en contraste avec l’immobilité des deux musiciens l’entourant, et les jeux d’ombres et de lumières, viennent nous raconter une histoire universelle nous concernant tous : le Temps.

 

La symbolique d’un thème universel

Un thème dangereux à revisiter de part sa régularité et son omniprésence, revisité et recraché par toutes les formes d’arts … Malgré ce risque, NohOï a décidé de s’emparer de la question et d’y répondre avec son propre regard. Dans cette quête, les mélodies portent le personnage dans sa danse lente et lunaire, mais quelques objets symboliques s’imposent rapidement à nous.

En premier lieu la fumée, s’élevant vers le haut, rappelle sensiblement ce « temps qui passe » abordé ici. La fumée s’élève, avant de s’échapper, telle une respiration. Comme la direction que prendrait l’âme des morts dans nos croyances. Liant matériel et immatériel, elle devient non plus un simple symbole du temps mais de ce qui relie l’âme au corps, le concret et l’abstrait, confondant le réel et l’irréel.

Mais n’oublions pas que la fumée peut être aussi provoquée par le feu, et devient alors symbole de colère ou de lente destruction. Nous revenons alors à la consummation de nos années comptées, la fatalité de notre mortalité, pouvant provoquer colère face à un temps restant impassible. Ici, elle ne provient pas de nulle part mais d’une simple boîte ouverte, posée sur une table. Peut être avons-nous donc le choix de la refermer…

Impalpable, rapidement invisible, on ne peut l’enfermer et la retenir. Tel le « sable entre nos mains » qui s’écoule et que l’on ne peut contenir, très présent dès la deuxième partie du clip.

 

 

Très vite, en effet, un autre symbole débarque sous nos yeux, et en gros plan : le sablier. Beaucoup moins subtil et contrastant donc légèrement avec la finesse tissée jusque là, il a néanmoins l’avantage d’annoncer plus clairement la symbolique exprimée par cette mise en scène. Celle-ci prendra d’ailleurs davantage son sens dans les scènes suivantes lorsque la danseuse poursuivra ses mouvements, plus frénétiques, sous ce même sable se renversant sur son corps désormais …

Sa danse semble dès lors exprimer une lutte directe contre ce temps. Les plans s’enchaînent bien plus rapidement, et la couleur rouge, celle de la passion et de la violence, apparaît désormais de façon aléatoire, sans doute pour exprimer la douleur de ce combat permanent. Il est intéressant de noter qu’à la 3e minute, le sable semble s’inverser, faisant alors timidement pensé à l’instant de la Mort, lorsque nous « revoyons » notre vie avant de mourir. Véritable évolution de la vie, la danse se termine par une sortie du halo de lumière du projecteur.

 

 

On naît, on se lève lentement, on s’élève puis rapidement  tout s’accélère, la résistance contre le temps qui passe s’impose, avant que celui-ci finisse infailliblement par nous rattraper. Cette agitation est finalement vaine : nous ne pouvons en récolter qu’une sorte de frénésie pénible, une douleur impactante.

Les deux musiciens anonymes, quant à eux, continuent de s’imposer en « maîtres du temps », à travers le rythme qu’ils jouent. Mais nous découvrons à la fin, que même lorsque leurs mains s’arrêtent, celui-ci ne s’interromps pas..

Pour un clip ayant eu l’ambition de mettre en scène la fatalité du temps, il parvient ironiquement à le suspendre pour quelques minutes…

 


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