Comment faire une chronique d’une soirée lorsque l’on est en retard et que l’on loupe le premier groupe ? Faire appel à des personnes de confiance au jugement sûr et infaillible et ne surtout pas écouter les membres eux-mêmes dudit groupe ! On se rassure, pour cette SunTzu Night #4, qui s’est déroulée le 18 octobre à l’Ampérage, tout le monde n’était pas en retard et l’audience était nombreuse… Vercors, Collapse et Catchlight, trois groupes grenoblois, nous ont transporté dans le monde du post-rock avant de laisser place à Klone, qui n’en est pas à son premier passage dans la ville. Retour sur l’événement…

 

Vercors : « Pourtant, que la montagne est belle… »

Et ce sont donc les petits gars de Vercors qui vont faire les frais de mon inconséquence … Pour une fois qu’ils commencent à l’heure ! Sachant qu’en plus il y avait des surprises dans un set en évolution depuis quelques mois. En même temps je connais suffisamment bien les mecs et leur musique pour avoir déjà une petite idée de ce qu’ils ont pu proposer ce soir en ouverture de soirée.

Car Vercors, c’est l’assurance, dans ce monde de post-core qui se regarde parfois un peu le manche en pleine action, de ne pas se retrouver face à des ingrats jouisseurs solitaires. Leur grande force a toujours été, de mon point de vue, en plus de solides compositions bien structurées et souvent catchy as fuck, d’être de très bons musiciens sur scène.

 

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Leur but n’a jamais été de réaliser en live une reproduction au micron de ce qui a été gravé sur galette (sachant que leurs 2 EP ont été enregistrés dans des conditions plus ou moins live, on comprend un peu mieux aussi leur approche) mais plutôt de transfigurer in situ un paquet d’émotions. Au vu du son de la soirée, les petits gars n’ont pas dû pêcher de ce côté-là et l’on m’a glissé à plusieurs reprises que leur prestation avait été très solide au niveau de l’intensité, ce que je n’ai pas beaucoup de mal à croire.

La section rythmique a toujours été un des points fort de la formation et ce soir n’a pas fait exception à la règle. La petite souris m’a dit que ce soir il y avait eu de nouvelles compos qui avaient été présentées, signe d’une future sortie qui fera suite à l’EP « La Dérive » qui commence un peu à se faire vieux… Ce même petit rongeur m’a également glissé que Seb, chanteur de Catchlight, était venu pousser la chansonnette sur un titre (et l’animal qui a de grandes oreilles m’a également dit que la justesse n’avait pas été au rendez-vous sur cette petite participation, mais le contexte du one shot explique aussi cela). Décidément il fallait être là tôt ce soir pour voir Vercors … tant pis pour ma gueule, next !

 

Collapse : « Sachons garder une certaine distance en toutes circonstances… »

Autres habitués de la scène locale dès qu’il s’agit de rock planant et évocateur, Collapse prend la suite de Vercors. Bizarrement, alors que sur le papier les deux formations sont plutôt proches, on ne pourrait pas faire groupes plus opposés. Là où le premier va miser sur l’intensité brute, le second va plutôt rechercher une forme de perfection musicale, y compris en concert.

Si l’on peut apprécier le côté un peu foutraque et humain des Vertacomicoriens, on ne peut qu’être admiratif devant l’engagement plein et complet de Collapse qui propose une expérience sonore et visuelle assez aboutie. Le quintette grenoblois est connu pour délivrer des prestations au cordeau et encore ce soir cela a été le cas (et pour le coup la petite souris n’est pour rien dans cette déclaration !). Le son est maîtrisé, et les auditeurs tatillons n’auront pas grand-chose à leur reprocher.

 

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Cela avait été déjà dit et je le répète, le batteur du groupe hausse vraiment le niveau du groupe et c’est toujours plaisant de voir que le petit gars assis derrière son kit n’est pas là que pour faire poum-tchak ou tchak-poum histoire de varier un peu. Le travail sur les textures de guitare est également remarquable et musicalement on a affaire à une formation très solide.

Mais car il faut bien un mais, cette belle prestation est parfois un peu froide et détachée du public. On se laisse moins emporter par un enthousiasme au 1° degré et l’on peut même éprouver un peu de lassitude, alors que foncièrement le groupe est très bon sur le fond et la forme. Au final plus qu’un jugement définitif, c’est comme souvent une affaire de goût et sans être renversé personnellement, le job a été fait et bien fait comme à chaque fois !

 

Catchlight : « Et si on jouait vraiment de nos instruments sur scène et pas qu’en studio ? »

C’était une première pour moi avec Catchlight ce soir, et quoi de mieux pour une première que la release party de leur album ? A nouveau le groupe propose une expérience globale aux spectateurs avec projections, mise en scène et un concert qui, plus qu’une succession de titres, a envie de raconter une histoire. Les trois musiciens poussent le vice jusqu’à arborer une combinaison identique, et la formation sans basse mais avec deux guitares et une batterie joue également l’originalité. On est tout de même surpris de ne pas vraiment ressentir l’absence de la basse dans les premières notes… Et pour cause il semblerait que l’on nous refasse à nouveau le coup des pistes rajoutées en live…

 

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Je ne vais pas m’étendre à nouveau sur ce principe, qui peut se comprendre, mais que pour ma part je n’apprécie que très moyennement en live. La disparition du chanteur pendant tout un titre derrière un rideau alors que l’on continuait de l’entendre chanter me laisse encore à l’heure actuelle perplexe… Oui pour proposer une expérience aboutie pour le public, mais un concert reste un moment humain entre des musiciens sur un plateau et une audience assistant à un moment unique avec ses imperfections.

Que l’on n’ait pas le même rendu que sur l’album est plutôt pour moi normal et fait même partie de l’intérêt de voir un groupe en live ! Autant dire que j’ai plutôt décroché assez vite même si les images diffusées en arrière-plan étaient plutôt intrigantes et que le groupe semble de qualité. Entre rock prog, cold wave post rock le trio navigue entre ses références avec fluidité. J’attendais une sorte de révélation avec ce groupe dont on m’avait beaucoup parlé… C’est un peu le flop… A revoir peut-être sur scène avec un dispositif plus direct et moins chichiteux.

 

Où quand Klone rime avec perfection

Après presque 2h30 de concert déjà dans les esgourdes (et pour les ponctuels presque 3h) il va falloir que Klone soit à la hauteur de l’attente que le groupe a suscité après leur passage remarqué aux Docks il y a quelques mois. Sans y aller par quatre chemins, c’est une énorme claque que le combo assène avec classe et simplicité. C’est une musique au plus près du nerf, sans effets de manche ou de cache misère : l’excellence musicale au service de l’efficacité. Ce que les autres combos ont tenté de faire toute la soirée avec plus ou moins de succès, Klone le réalise avec ce qui semble être une simplicité désarmante.

Tout d’abord musicalement tout le groupe est au diapason : le basse-batterie est très largement au-dessus du niveau avec un jeunot derrière ses tambours qui a donné pas mal de complexes aux batteurs présents dans la salle (j’en connais certains qui se reconnaitront…). Les deux guitaristes sont également ultra pros, que ce soit dans leurs sons ou dans la mise en place. On sent un grand niveau de maîtrise et des musiciens complètement en phase avec leur musique. Le chant enfin est pour moi la grosse surprise avec un frontman parfait : un timbre original, des mélodies ultra efficaces sans être putassières et une présence captivante. Pas de maniérismes ou de clichés maintes fois entendus mais juste un artiste avec de la personnalité et un talent qu’il a su creuser et polir à force de travail. L’attitude sur scène est également énergique sans en rajouter avec une vraie volonté de connecter avec le public…

 

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Et comme si ça ne suffisait pas, là où les petits gars marquent encore des points c’est sur l’immédiateté de leur musique même pour quelqu’un qui n’est pas familier avec celle-ci (ce qui était mon cas oui vous pouvez me huer je ne sais personne n’est parfait…). Quel plaisir de découvrir un groupe sur scène en prenant le même plaisir que pour des vieux briscards dont on connaitrait la set-list par cœur ! Quel plaisir de se demander ce que l’on a fait pendant tout ce temps sans connaître ce groupe en particulier alors que dès le premier morceau on est déjà conquis. Quel plaisir mêlé de frustration de se dire que l’on a loupé tous les précédents concerts mais que à partir de maintenant lorsque Klone passe à proximité on sera forcément du voyage. Quel immense plaisir enfin après une soirée de qualité fait de groupes locaux à l’identité bien affirmée de finir sur un concert de ce calibre dans un Ampérage plein à craquer et de constater que les musiciens sur scène prennent autant de plaisir que le public dans la fosse.

 

L’espoir fait vivre

Une soirée réussie : quand on est organisateur ce n’est jamais simple et rien n’est assuré de se passer aussi bien que ce que l’on espère. La vraie question étant toujours : est-ce que notre plaisir de programmer certains groupes va rejoindre celui du public de venir les voir ? En misant sur Klone ce soir, et en montant un plateau bien cohérent de groupes locaux, le SunTzu Crew avait plutôt mis toutes les chances de son côté et ça a payé. On ne peut qu’être heureux pour eux d’avoir su concrétiser de si belle manière leur idée de départ.

Mais plus que cela, d’un point de vue personnel on peut également avoir ce sentiment rassurant et réconfortant de se dire qu’une scène locale rock, exigeante et qualitative peut être pertinente artistiquement et économiquement parlant. La musique à guitare n’est pas en odeur de sainteté actuellement, et ce genre de soirée redonne un peu d’espoir sans tomber non plus dans une béatitude naïve. Il faudrait encore beaucoup de soirées aussi réussies et une volonté plus large de mettre en avant ces esthétiques musicales… En attendant, on va juste se promettre d’arriver un peu plus à l’heure la prochaine fois et ce sera déjà pas mal !

 

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