La révolte, l’insoumission à l’ordre établi ont souvent été des ressorts dans la musique, permettant à des groupes de faire passer des messages forts au plus grand nombre afin d’éveiller les consciences. Projet KO semble assumer pleinement ce parti pris dans son premier album éponyme, avec dix titres en français aux intitulés évocateurs et une belle pochette tirée d’une photographie intitulée « The Chaos ». A savoir si les nombreuses voies de train de l’image mènent le groupe plutôt vers une ligne à grande vitesse qu’un chemin de traverse.

 

Et on ne peut pas dire que le premier titre nous met forcément en confiance avec un « Non » qui s’adresse principalement à tous les hommes qui ne comprennent pas que quand une femme dit non, c’est non. Sujet éminemment d’actualité dans le sillage du mouvement « Me Too » et « Balance ton porc » et que le groupe détourne en prenant le point de vue de l’agresseur pour encore mieux dénoncer ces actes. On s’attend au faux-pas tellement le sujet est sensible mais les paroles, toujours sur la corde raide, tiennent le cap d’un bout à l’autre du titre. Si elles manquent parfois de finesse, on ne peut pas dénier pourtant au groupe le fait de prendre parti et de défendre des principes respectables pour autant que l’on ne soit pas un esprit moyenâgeux et foncièrement rétrograde.

 

projet ko - rock grenoble - scene locale - musique grenoble - groupe musique grenoble
 

Enfoncer des portes ouvertes oui, mais à grands coups de pieds !

Ce schéma se retrouve tout le long des neuf titres qui vont suivre, avec des paroles à la première personne dessinant peu à peu un bestiaire de traders (« L’armée des nombres »), de drogués aux réseaux sociaux (« L’œil du cyclone »), de haters numériques (« Je hais donc je suis »), voyeurs télévisuels (« 24/24 ») et autres militants d’extrême droite (« La France de demain »). Le message est clair et l’on ne peut pas se tromper sur les orientations politiques ou sociales du trio.

On regrettera par contre le côté un peu systématique du procédé, et le fait que le niveau d’écriture ne soit pas au niveau d’un Reuno de Lofofora qui a toujours réussi à lier l’impact de paroles fortes avec une certaine qualité d’écriture. On retrouve tous les grands thèmes de société sur lesquels un progressisme social minimum fait consensus, mais on a un peu l’impression d’assister à une séance d’enfonçage de portes ouvertes. La voix du chanteur se veut hargneuse et vindicative, ce qu’elle est, mais sur dix chansons cela peut aussi manquer de nuances et de diversité. Les refrains sonnent souvent identiques, quelques mots scandés sur une ligne de voix unie qui font passer le message, mais peut aussi lasser sur la longueur.

 

Ludi Vine ©

Ceci étant dit, la musique est suffisamment élaborée et composée avec efficacité pour soutenir habilement la voix et retenir l’attention. On y retrouve tout ce qui a fait de la fusion dans les années 90′ un style majeur de cette décennie. Les patterns de batteries alternent entre grosses rythmiques bien rocks et incartades plus inspirées par les musiques urbaines. Les sons programmés amènent aussi leur pierre à l’édifice sur lequel trône en majesté la guitare. C’est elle qui amène toute la trame mélodique, et on peut dire qu’elle n’est pas avare en effets et autres cabrioles soniques pour surprendre l’assemblée. On y sent l’influence du guitariste de Rage Against The Machine, Tom Morello, et tout ça fait parfaitement le job à tel point que l’on se prend à revenir vers certains titres comme « La France de demain », « Je hais donc je suis » ou encore « L’armée des nombres ».

 

Le chant en français tu revendiqueras, le flanc à la critique tu prêteras

Au final, et comme souvent, le choix du chant en français se révèle être une arme à double tranchant. Indispensable pour faire passer des messages forts, il peut aussi très vite devenir une épine dans le pied d’un groupe lorsque l’auditeur y trouve à redire. Le choix des thèmes, la façon de l’exprimer reste bien entendu une affaire de goûts, d’autant plus lorsqu’il s’agit de paroles que tout le monde comprend et peut donc interpréter.

 

Projet KO a le mérite de tenir droit sur ses convictions, de les assumer face au public de la plus directe des façons et rien que pour ça, leur album mérite une écoute pour que chacun se fasse son opinion. D’autant que le vrai juge de paix dans cette affaire, c’est le live, et que le trio ne manquera pas de faire valoir ses qualités à l’occasion des concerts accompagnant la sortie de ce premier opus. Comme ce vendredi 22 février à l’Ilyade Seyssinet-Pariset, par exemple.
 

Projet KO : dix titres pour réveiller les consciences
6.4Note finale
Originalité 5.5
Technique 6.7
Plaisir à écouter 7
Avis des lecteurs 36 Avis
5.9
error: Contenu protégé !