Une compilation de groupes locaux mélangeant metal extreme, rock et électro expérimental ? Possible : le collectif Eptagon l’a réalisée. Sortie ce 27 mai 2019, ce sampler de neuf titres propose de rendre compte par l’exemple de l’effervescence d’un collectif et par la même, d’une scène locale bouillonnante… 

 

Le collectif Eptagon a réussi son pari : « Le collectif constitue un cadre hétérogène, malléable et changeant, qui stimule les rencontres et croisements entre différents langages artistiques. » Une compilation représentant alors le « langage artistique » de chacun des groupes le constituant apparaît donc comme une suite logique…

Cette première compilation  » se veut comme une exploration de ce qu’il se passe actuellement en notre sein et, dans une moindre mesure, dans la scène grenobloise. » Ambitieux non ? Et louable. Avec un très bel artwork semblant autant s’inspirer de la fameuse « Vague » d’Hokusai que du regain d’intérêt des artistes pour la sérigraphie, la compilation du collectif « Eptagon » se place tout de suite fièrement dans une lignée où la rencontre des genres artistiques semble prédominante.

 
collectif eptagon - compilation collectif eptagon
 

Le collectif au service des individualités

Constitué depuis 2016 autour d’un lieu de pratique commun et du « Plastic Lobster Studio » tout proche, le collectif Eptagon se compose « d’une vingtaine de musiciens, vidéastes, plasticiens, ingénieurs du son et programmeurs qui développent leurs créations et leurs réseaux au sein de ce collectif, au travers de nouvelles collaborations, échanges et rencontres ».

Avec une telle diversité, seulement deux solutions sont possibles. Soit chacun fait des trucs de son côté, creusant son sillon particulier en quasi autarcie artistique… Soit tout le monde vient picorer chez l’autre de quoi alimenter sa pratique, et profiter d’une synergie de groupe ô combien plus efficace. Creusant aussi bien dans le métal extrême, que dans l’électro ou la musique avant-gardiste, c’est vers le picorage en mode buffet à volonté que les artistes d’Eptagon ont décidé de se tourner pour accoucher de l’objet sus mentionné.

 
collectif eptagon grenoble
 

« C’est pour ici le menu froideur et brutalité ? »

Liquid Flesh, qui a l’honneur de débuter le bal, ne prend pas le temps de vous serrer la pogne avant de vous en coller une. Avec ce « Pestilentielle Nécrose » en première piste, on se retrouve ici plutôt dans du Slayer ou du Entombed premières moutures, entre thrash et Death’n Roll (pour reprendre l’expression consacrée). Ça tartine sévère, sans beaucoup s’arrêter en chemin pendant cinq minutes.

Pour poursuivre dans le versant métal, les titres de Epitaphe, Maïeutiste et Demenseed proposent un death / black plutôt sombre et ambitieux pour les deux premiers, et une version un poil plus thrash mais tout aussi malaisante pour le deuxième.Visiblement, la compilation de Eptagon s’autorise quelques incursions dans divers styles plutôt extrêmes, mais avec toujours beaucoup de goût…

 

maieutiste - groupe metal grenoble

MAÏEUTISTE © L’Ombre d’un Instant

Les compositions sont longues et alambiquées comme de vieilles caves où toutes les haines et le mal-être des protagonistes se tapissent, et n’attendent qu’une occasion pour surgir au grand jour. C’est froid et brutal comme un coup de pied de fossoyeur dans le service trois-pièces d’un importun un jour de Toussaint. Cela n’empêche pas une énergie frontale bien rendue par une production plutôt sèche, mais qui convient parfaitement au style des groupes.

Barús, pour ne pas être en reste, propose également plus de huit minutes de lourdeur avec son « Perpetrate » en avant-dernière piste, dans un style plus sludge doom mais avec une voix bien black et quelques envolées de blast à la batterie pour chapeauter l’ensemble. Leur musique est plus contrastée avec un pont central bien efficace, où la voix se permet quelques polyphonies bien dérangeantes. C’est bien troussé et à nouveau parfaitement produit au vu des conditions, encore une belle découverte.

 

Un peu de douceur dans un monde de brutes

Pour ce qui est des groupes à guitare, on finit avec du plus classique : les gaziers (et gazières) de Faith in Agony proposent une version acoustique de leur titre « Crowned ». On y retrouve une atmosphère très 90’s dans les arrangements, en mode « MTV Unplugged ». Les harmonies de voix sont un petit hommage au savoir faire de Alice in Chains et font dans le qualitatif autant en lead qu’en backup. Les arrangements de guitares de bon goût sont justes à l’équilibre : ni trop peu ni pas assez.

 

faith in agony - groupe rock grenoble

Faith in Agony © Claire Desfrançois

La boucle est bouclée et ce dernier morceau, plus sage, permet de finir le sampler en douceur (ha ce doux mot de sampler qui fleure bon également une époque sans playlist prédigérées par des vendeurs de savonettes musicales à la tonne…).

 

Un voyage intérieur aux sonorités électros

Entre ces plages plutôt métal, le collectif montre aussi son savoir-faire en terme de musiques électroniques. Hétérogénéité quand tu nous tiens ! Ce parti pris permet aussi de sortir les vieux loups comme moi de leur pré carré musical pour aller voir ailleurs si l’herbe est aussi verte.

Orcae, avec le titre « MicroSeismic, Iranon avec « The big Drought » et Plastic Lobster et son « Quick Fix » proposent des compositions aux sonorités plutôt planantes et propices aux voyages intérieures plutôt que la grosse artillerie de club. On y retrouve la même approche que pour les titres métal, à savoir de longues plages permettant la pleine expression des trois artistes, du temps pour développer ses idées et installer son univers.

 

ocae - orcae grenoble - groupe musique grenoble

Orcae © Droits réservés

Chacun opère pourtant dans un style qui lui est propre, que le novice que je suis en la matière serait bien incapable de vous définir. A nouveau, on sent une qualité de production qui ne sent pas du tout le vite-fait mal-fait. C’est un travail de qualité qui résonne en cohérence avec les autres plages du sampler, tout en apportant un point de vue différent.

 

Sans crier gare et avec une éthique artistique palpable, le collectif Eptagon fait dans le tir groupé avec neuf plages de musique pour neuf groupes et autant de découvertes de qualité. C’est un vrai plaisir de voir que la scène locale se prend en main, propose autant de qualité dans des esthétiques aussi diverses en engagées. On ne saurait trop vous conseiller de soutenir l’initiative en allant écouter et pourquoi pas vous procurer le sampler en vrai disque, que l’on peut mettre dans sa platine et ressortir encore et encore même quand votre connexion internet décide de jouer les filles de l’air !

 
 

 
 

Tracklist
  1. Liquid Flesh – Pestilentielle Nécrose
    2. Demenseed – Growing Darkness
    3. Orcae – MicroSeismic
    4. Maïeutiste – Veritas (rough version)
    5. Iranon – The Big Drought
    6. Epitaphe – Embers
    7. Plastic Lobster – Quick Fix
    8. Barús – Perpetrate
    9. Faith in Agony – Crowned (acoustic version)

 

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