Disco, paillettes, maquillage et bonne humeur. C’est à peu de choses près la recette des soirées de Versants Queer. L’association grenobloise de drag queens était invitée à la Bobine le 12 février. Les reines de la nuit ont fait du bar dansant leur terrain de jeux le temps d’une soirée. 

 

À première vue, tout a l’air normal ce mardi. Le bar est plein, les verres aussi. Les clopes s’enchaînent sur la terrasse et les pas de danse sur la piste. Le son est un peu « à l’ancienne » mais qu’importe, la Bobine s’anime comme elle le fait presque tous les soirs. D’un coup, on tombe nez-à-nez avec une femme fatale. Grande, brune, un regard perçant derrière son maquillage travaillé, plus proche d’un personnage de comics que d’une James Bond girl. On comprend très vite que ce soir, le « normal », on s’en fout.

 

 

Dancing queens

Ça fait plus d’un an que l’association Versants Queer organise des soirée drag queen dans la capitale des Alpes. D’abord réservées à la clientèle avertie du Love People, bar gay-friendly du cours Jean Jaurès, elles ont quitté ce cocon pour s’offrir aux yeux d’un public plus large. Après avoir transformé l’Ampérage quelques nuits plus tôt, les queens ont décidé de remaquiller la Bobine.

La musique est confiée aux bons soins d’Actress M et de trois trublions du collectif Stash Trax : Nikizi, Cosmic Clap et Naom qui mixent à plusieurs mains. Les DJ’s ont clairement sorti la DeLorean pour offrir à nos oreilles un voyage dans le temps. Ça commence en plein dans les années 80 avec une disco-funk qui réveille les corps.

 

 

Sur la piste, il y a de tout. Des hommes, des femmes, de 7 à 77 ans. C’est comme une boîte de Lego sauf qu’on peut taper du pied comme on veut sans risquer de se faire mal. Certains clients sont venus pour cette ambiance dansante et décomplexée. Mais la plupart sont pris par surprise, par les hanches et par les sons que déversent allègrement les hauts-parleurs. Sauf que d’un coup, tout s’arrête.

 

 

Les regards se tournent naturellement vers la scène sur laquelle se tient l’une des reines de la soirée. Les enceintes font une marche arrière express vers l’année 1963 et entonnent Les nuits d’une demoiselle de Colette Renard. Ainsi démarre un strip-tease sensuel mais tout public, auquel colle parfaitement cette chanson blindée de métaphores érotiques. Le ton de la soirée est donné : on s’amuse, c’est osé, mais c’est pour tout le monde.

 

 

Brouiller les pistes, casser les codes

Entre leurs shows, les drags parcourent la piste, battent le tempo, donnent le la. Même si ce soir, « le » et « la » se confondent un peu. Ces grandes silhouettes semblent venues d’une autre planète, sans pour autant être inaccessibles, au contraire. Elles se prêtent volontiers au jeu des photos et invitent les spectateurs les plus timides à se déhancher un peu.

« Ce qu’on veut, c’est proposer ce côté drag au public de la Bobine, qui est très éclectique. On fait des shows, mais on est surtout là pour passer du temps avec les gens, répondre à leurs questions », nous confie Anthony Merlaud, alias Aloée Lacanette. « Les shows drag queen ça attire du monde. Ça permet une ambiance différente, plus libre. Chacun fait ce qu’il veut. »

 

 

Sur scène, les hôtesses de la soirée font clairement ce qu’elles veulent. Le deuxième show commence par un extrait du tristement célèbre reportage du Petit Journal, réalisé lors d’un rassemblement contre le mariage pour tous. « La colère de Dieu va s’abattre sur la France », y affirme une militante, pour laquelle l’homosexualité est « contre nature-hin ». La déclaration est interrompue par un riff de guitare énervé, sur lequel se déchaîne une queen pour revendiquer sa liberté d’être différent(e).

 

 

Au fil des shows, la musique rattrape le temps. La techno et la dance des 90s succèdent aux années 80, et pavent la voie aux rythmes appuyés des années 2000. La salle, bondée, suit le tempo qui s’accélère mais s’interrompt volontiers pour observer les stars de la soirée interpréter, flûte à la main, une polka du plus bel effet. Après une dernière performance rock, rapide et intense, nos drag queens se mélangent à la foule, qui les accueille à bras ouverts.

 

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