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« Singes Savants », le dernier clip des Monkey Theorem, mélange film standard et motion design pour nous livrer un point de vue sur notre société contemporaine. Le groupe se positionne sur de grandes problématiques actuelles, à l’instar de séries comme Black Mirror, ou Westworld, et brossent un tableau assez sombre d’une ultra soumission politique et technologique.

 

Dictature Hyper-technologique

Le clip nous plonge dans un monde morne et déshumanisé. Les membres du groupe se fondent dans une masse uniforme pour devenir des protagonistes de cette société dystopique.

L’effacement de tous les signes distinctifs crée une déshumanisation renforcée par les gestes mécaniques et robotisés. Tous identiques, les individus sont immatriculés et munis de lunettes opaques qui viennent masquer le regard. Le peuple est privé de l’œil, symbole du reflet de l’âme, de l’émotion et de la singularité.

 

 

La technologie est présente partout, à chaque instant du quotidien. Le réveil s’effectue dans une salle épurée à l’extrême, uniquement équipée d’un écran géant. Le repas se déroule également devant un écran et dans les rues, une propagande est matraquée au travers d’écrans démultipliés. Les interactions sociales sont inexistantes. Parallèle à peine exagéré de la réalité : on a tous déjà levé le nez dans le tram ou dans une salle d’attente pour ne trouver autour de nous que des visages scotchés à des smartphones.

La hiérarchie de cette société fictive est assez simple : le peuple aliéné est tenu en autorité par des forces de l’ordre casquées qui obéissent à un petit groupe de dirigeants au sourire narquois. Notez que les dirigeants sont les seuls à pouvoir exprimer une émotion dont le peuple est privé, à travers ce sourire. Celui-ci souligne la totale lucidité de cette classe, pleinement consciente du vice du système qu’elle établie. Le clip tourne en ironie notre réalité et va jusqu’à attribuer le dab comme signe de reconnaissance, simulacre à peine déguisé du tristement célèbre salut nazi.

« Pas la peine de réfléchir, le parcours est tracé »

Visuellement, le choix des couleurs est plus que pertinent. Tout est en nuance de gris rehaussé par du bleu et du vert. Le bleu est la couleur de l’ordre, du pouvoir (cf uniformes de police), de la structure et de la stabilité (c’est pourquoi elle est souvent choisie par les banques). Mais c’est aussi la couleur de la technologie, avec un côté froid, métallique, désincarné, immatériel et distant. Le vert quand à lui est la couleur de l’hygiène extrême, chirurgicale et neutre, (cf blouses des chirurgiens) mais aussi de la peur, de l’étrange, du monstrueux (cf Hulk, Alien, Le bouffon vert).

 

Regard pessimiste sur un système en cercle vicieux

En somme, le clip pourrait vite ressembler à la banale dénonciation de la théorie du complot par un groupe qui se place en connaisseur lucide et éclairé. Mais c’est heureusement bien plus subtil que ça.

Après avoir planté le décor, on arrive à une phase du clip ou les personnages des membres du groupe ouvrent littéralement les yeux pour échapper au contrôle totalitaire du système dans lequel ils sont englués. L’un monte un plan d’attentat contre la classe dirigeante, l’autre réussi à s’extraire du rang bien organisé pour courir à contre sens pendant qu’un autre encore s’entraine pour renverser l’ordre établi et tabasser un représentant des forces de l’ordre.

Belles initiatives, très héroïques et pleines d’espoir…mais définitivement vaines. Le système avale bien vite ces héros. Le coureur à contre sens finis par rentrer docilement dans le rang, le révolté endosse la tenue du policier pour tabasser le peuple à son tour. Et ultime ironie du sort : le terroriste devient le nouveau dirigeant, sourire narquois à l’appui. Qu’on le veuille ou non, nous somme tous constructeurs du système qu’on rejette.

 

 

Cette vision pessimiste est assez intéressante si on la met en parallèle avec une expérience effectuée par un laboratoire de la faculté de Nancy[1] (cf « La hiérarchie des rats » de Bernard WERBER. L’Encyclopédie du savoir relatif et absolu. 2004). Les scientifiques ont étudié des groupes de six rats et ont remarqué que tous les groupes finissaient par s’organiser de la même façon : deux exploités, deux exploiteurs, un autonome et un souffre douleur. L’expérience devient encore plus intéressante, lorsque les scientifiques ont placé les exploiteurs ensemble, les exploités ensemble, ect. La même organisation s’effectuait à nouveau. La vision pessimiste du clip est en quelque sorte prouvée scientifiquement…

Mais pour vous rassurer et remettre un peu de force dans vos cœurs d’utopistes, on vous révèle la dernière étape de cette recherche. Les cerveaux des rats ont été analysés après ces expériences. Les plus stressés n’étaient ni les souffre douleurs ni les exploités mais les exploiteurs qui vivaient dans l’angoisse de ne plus être obéis par les exploités. Donc, non seulement votre bourreau de patron est bien plus stressé que vous, mais en plus de ça il flippe à l’idée que vous cessiez de lui obéir.

A l’heure où le rap se place un peu trop souvent en moralisateur absolu, les Monkey Theorem font preuve d’humilité avec ce clip « Singes savants »: ils savent pertinemment qu’ils ne changeront pas le monde, ils se limitent simplement à interroger le public vis-à-vis de ce qu’il peut observer…
 

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